Je suis rentré de la Mini en Mai il y a un peu plus d’une semaine, le rythme revient doucement mais je suis pas encore à 100%...il faut dire que je me suis arraché pendant cette course, ces 4 jours et demi ont été intenses, en voici un petit récit.
Au calme chez ma grand-mère je prépare la course : je déplie toutes les cartes, fais la course dans ma tête et me note sur un road book tous les passages, avec les différentes options. Je fais une pause pour l’avitaillement ( = les courses ! ) : il ne faut rien oublier, le plus important étant l’eau. J’ai aussi un faible pour les noix de cajou, c’est mon carburant !
Le soir tous les concurrents sont réunis pour le brief de course : on est 70, c’est un petit milieu donc on se connaît tous. Je fais partie de la team Lorient Grand Large, après le brief de course notre coach, Tanguy, prend la suite : « Faut aller plus vite que les autres, pour le reste, faites simple» ! Ok, faisons comme ça ! Je suis déjà dans ma course, hyper concentré, mon objectif est de finir : il faut valider un total 1500 milles nautiques pour se qualifier à la mini transat celle-ci en fait 500, une grosse étape donc !
Vers 8h du matin, je dis adieu à mon téléphone portable, je le confie aux organisateurs de la course, désormais je ne pourrai communiquer que via la radio VHF du bateau. Ensuite, c’est le départ sur l’eau pour rejoindre la ligne de départ et à 11h le signal de départ est donné !
Je pars tranquille sans chercher à jouer des coudes sur la ligne, je ne veux pas risquer de casser mon bateau. Il faut tirer des bords très courts...pas le temps de s’ennuyer, on change de voiles tout le temps : c’est physique, même s’il n’y a pas beaucoup de vent, on laisse de l’énergie rapidement. En fin d’après-midi le vent se lève, tout s’accélère, je sors dans le premier tiers malgré mon démarrage pépère ! Une fois sortie de la baie de Quiberon, cap sur la pointe de la Bretagne. J’atteins l’île de Groix au soleil couchant, la lumière est belle... j’ai encore quelques minutes pour profiter du jour et de ce moment. Je vérifie qu’il n’y ait pas d’algues dans mes safrans et ma quille puis je me change pour la nuit (pas de pyjama mais plutôt polaire, salopette et bottes !) et je profite du calme pour manger un peu et surtout anticiper le passage des Glénans qui arrive.~Première nuit à bord, difficile de dormir car je ne suis pas suffisamment fatigué pour m’endormir dans ces conditions : le bruit, le stress... Je dors 4 tranches de 20 minutes, mais c’est plus du repos que du sommeil, car même avec le pilote automatique, je peux toujours heurter un obstacle : un rocher, un pêcheur, un autre concurrent qui dormirait aussi. Finalement, c’est tout de même une bonne journée je suis bien placé dans la flotte et dans un super état d’esprit.
Au levé du jour je suis en baie d’Audierne (ouest de la Bretagne) et un passage compliqué s’annonce : le Raz-de-sein. C’est un chapelet de cailloux dans lequel il n’y a qu’un seul passage : ça chahute vite, la houle et le courant sont démultipliés. Je me fais doubler par plusieurs bateaux mais je ne connais pas mon classement donc j’avance au plus vite, suivant les instructions de mon coach ! Et puis ils passent Dire Straits à la radio, Sultan of swing, en version longue, quel kiff ! Ce genre de petit moment qui reboost quelques instants. La matinée est compliquée : peu de vent alors qu’on doit aller chercher la bouée la plus au nord à hauteur du goulet de Brest ; je scrute le plan d’eau et les autres concurrents pour rester dans le coup. Après avoir enfin passé la bouée j’envoie le grand spi mais ce n’est pas glorieux : il ne tient même pas, il y a trop peu de vent ! Je galère à trouver la voile qui fonctionne le mieux dans ces conditions mais j’opte pour mon Gennacker magique, c’est ma voile préférée, je l’envoie tout à l’avant du bateau elle est légère et tient bien dans le petit temps ! En fin d’après midi, le vent se lève, c’est parti pour un bord de 300 km direction le plateau de Rochebonne, au large de l’île de Ré. Cette fois-ci je passe sous grand Spi, c’est sportif, les empannages donnent du rythme ! La nuit commence à tomber alors que le vent se renforce encore et tourne au nord-est : je change de voile, je mets mon Gennacker à nouveau et je réduis ma grand voile. Le bateau accélère fort : à 14 noeuds, ça glisse ! Je double pas mal de concurrents mais les conditions à bord sont vraiment musclées, ce n’est pas le moment de mettre le pilote automatique et je n’ai pas eu le temps de m’habiller pour la nuit donc je prends des paquets d’eau à la barre. Depuis l’envoi du grand spi, j’ai mis un max de poids à l’arrière de mon bateau du coup l’avant de la coque sort de l’eau et tape sur la crête des vagues. Moi, je suis assis à la barre et je crie comme un fou quand je double un copain !
Vers 2h du matin le vent atteint 26 noeuds, j’avance bien mais je suis fatigué. Il ne faut pas que je me crame maintenant car, il me reste environ 50 heures de plus à tenir, la course va être longue ! Je décide d’affaler mon Gennacker et d’aller me coucher. C’est une décision difficile car je vois bien que les autres me redoublent. Ai-je fait le bon choix ? Cette question ne m’empêche pas de dormir, j’en ai vraiment besoin ! Je m’octroie trois siestes longues de 40 minutes et je dors si bien que je manque de rentrer dans un bateau, mais ça, je ne le sais pas encore ! C’est un autre concurrent, Vincent, qui me racontera plus tard qu’un bateau « fantôme » a failli le heurter par l’arrière et il a dû s’écarter pour me laisser passer. Jour et nuit, la course ne s’arrête jamais !
De nouveau il y a pétole (= très peu de vent) au petit matin ! Les bateaux se resserrent, c’est un peu comme un virage dans une course de F1 : tout le monde ralentit et il faut bien se positionner par rapport aux autres en gardant suffisamment de vitesse pour continuer à avancer. Ce n’est vraiment pas le moment de dormir, je tiens bon ! Le vent se relève enfin, on passe le plateau de Rochebonne et on vise l’île de Ré.~Comme chaque soir, petit rituel je me fais une soupe avec des morceaux de pain dedans pour le coucher du soleil mais aujourd’hui c’est encore plus sympa, une bande de dauphins vient me tenir compagnie: le quart d’heure plaisir ! En approchant de l’île de Ré le vent devient tellement faible que je n’arrive plus à remonter face au courant et coup de théâtre : la plupart des concurrents sont bloqués ici et jettent l’ancre, ce qui est vraiment rare dans ce genre de course. Seuls quelques bateaux ont réussi à passer le pont de l’île de Ré avant que le courant ne s’inverse et me voilà également forcé de jeter l’ancre ! Après 10 minutes, je commence à reculer, je remonte ma chaîne et me rends compte qu’il n’y a plus d’ancre au bout : problème, je l’ai perdue ! Je n’ai pas le choix, je dois utiliser le peu de vent qu’il y a pour lutter contre le courant et perdre le moins de places possibles, une troisième nuit qui pique s’annonce. Je me colle à la côte - il y a moins de courant - et je récupère un petit vent qui me permet au final de remonter discrètement les copains qui sont à l’ancre, je ne fais aucun bruit pour ne pas les réveiller, ils dorment si bien !
Le jour se lève, je suis aux avant-postes pour passer le pont de l’île de Ré. C’est un soulagement, cette nuit à rester concentrer et me battre contre le courant aura été payante ! Oui on peut le dire, j’ai eu de la chance : dormir la nuit précédente aura été un choix gagnant et c’était pas gagné mais ça m’aura permis d’appréhender cette nuit cruciale face au courant en pleine forme.~On repart en direction de la Trinité, le point final de notre parcours. Il y a de nouveau pétole et au final on se retrouve le soir au large des Sables-d’Olonne à 40 bateaux dans un mouchoir de poche ! Le vent vient du nord, on doit tirer des bords de près pour remonter. Mon bateau marche bien dans ce genre de configuration, je suis alerte mais je laisse le pilote automatique barrer et je m’applique à bien régler le bateau régulièrement... ça paye ! Je prends rapidement la tête de cette petite flotte qui remonte vers les premiers qui s'étaient échappés la veille, mais je ne m’en rends pas vraiment compte car c’est déjà la nuit, la dernière de la course !
Des orages remontent du sud : en pleine nuit je me retrouve à devoir abaisser les voiles. J’ai un peu peur car si la foudre tombe sur le bateau elle peut l’endommager et griller tout l’électronique à bord. Heureusement tout se passe bien, je continue ma remontée.
C’est le petit matin quand j’arrive dans en baie de Quiberon. On est dans la dernière ligne droite, j’espère que le vent va rester stable jusqu’à la fin car j’ai conscience d‘être bien placé. On n’est pas loin de l’arrivée, je vois mes parents qui s’approchent en zodiac pour m’encourager. Malheureusement un gros orage nous rattrape et en même temps un concurrent me double, je fais tout ce que je peux pour le redoubler en plein orage ! Alors que j’ai coupé tous mes instruments de navigation pour ne pas prendre la foudre, j’arrive à repasser juste devant lui. A partir de ce moment je fais en sorte de rester juste entre lui et la ligne d’arrivée en pensant : “si tu veux arriver avant moi il faudra passer sur mon bateau mon pote” ! Mais ça n’arrivera pas : je coupe la ligne d’arrivée, samedi, vers midi. J’apprends mon classement : 8ème au général, 4ème dans ma catégorie. Je ne m’attendais pas à une telle perf’ je suis ravi !
Cette Mini en Mai aura vraiment été une belle course, et au delà du classement, l’accueil chaleureux de mes potes et de ma famille après 5 jours de course en solitaire est la plus belle récompense !
Maintenant place à la Qualif: un parcours de 1800km, hors course, pour aller visiter un peu la mer d’Irlande et tester le bateau et me tester moi-même dans des conditions hauturière. C’est un peu le rite initiatique de tout “ministe”. Le départ est prévu pour la semaine prochaine, je guette un bon créneau météo.
À bientôt, bon vent à vous et merci de me suivre dans cette aventure.